24 novembre 2007

J+56-57 / En route pour Sodo !

Petit déjeuner face à la piscine et quelques longueurs, nous sommes prêts pour la traversée d’ouest en est par 150 km de piste récemment créée pour éviter de remonter plus au nord ce qui obligeait à un détour de plus de 300 km. Objectif, la ville de Sodo, ce soir si possible. A la gare routière nous nous renseignons. Plus de bus pour Sodo, ni pour Waka, les prochains sont demain matin à l’aube ; la destination la plus proche est Sheki. Pas le choix, nous embarquons. Le temps de remplir le bus et nous quittons Jima dans un nuage de poussière, au son des imams appellant à la prière du sommet de leur minaret en tôle ondulée.
Trois quarts d’heure plus tard nous arrivons à Sheki. Nous sommes en plein marché, odeur d’épices, de terre, de biquettes, étales colorés…on aurait envie de s’y arrêter et de flâner, mais notre équipement et l’attention générale que nous suscitons nous décide à rapidement prendre la tangente pour la sortie de la ville, accompagnés de notre cortège habituel de bambins, scandant leur « you, you » « Farangi » « Money, give me money ! » et autre « What’s your name ». A ces questions nous dispensons nos réponses habituelles « Yo, yo » « No money » « My name is Joe ». Après une petite heure de marche, nous trouvons un endroit ombragé où nous posons nos paquetages en attendant le premier véhicule pour tendre le pouce. Trois quarts d’heure se passent, toujours pas de véhicule. Nous avons le temps de faire connaissance avec quelques personnes, qui nous disent que le mieux serait de retourner à Jima et de prendre le bus du lendemain matin…sans commentaire. Une petite clope pour faire venir un hypothétique véhicule, mais cet appel reste sans réponse. Encore trois quarts d’heure d’attente, et enfin le doux bruit d’un moteur ; puis de la poussière et enfin se dessine la silhouette d’un Isuzu ! Nous balançons nos sacs dans la benne, et nous grimpons. Une centaine de mètres plus loin premier arrêt. Le cauchemar commence, une cinquantaine de personnes nous rejoignent à l’arrière. Coincés sur nos sacs, voyant à peine le jour, nous sommes prêts à repartir ; le ticket man ramasse les birrs, on charge les retardataires et nous partons, heureusement car la chaleur commençait sérieusement à monter dans cette cage à bestiaux. Bosses, poussières, écrasement de pieds et coups de coudes dans les virages. Une heure et demi de ce traitement avant d’être déchargés dans un village sans hôtel, ni électricité.
Il est 17h30, nous avons parcouru à peine 50 km. Nous nous renseignons immédiatement pour savoir si un hébergement serait possible au cas où nous ne pourrions décoller d’ici avant la nuit, sachant qu’elle arrive dans une heure. Une femme nous présente le directeur de l’école, qui parle un anglais parfait. Il est prêt à nous laisser dormir dans l’école. Un brouhahas coupe notre conversation, une nuée de youyouyouyouyouyoyuou pique droit sur nous, malheur c’est la sortie de l’école, à peine le temps de réaliser que nous sommes déjà encerclé. Je dégaine mon diabolo, c’est l’explosion quand les enfants le voient monter dans le ciel. Imaginez la scène : soleil couchant éclairant des huttes qui se dessinent sur la crête qui se détache sur ce ciel crépusculaire, une centaine d’enfants, chèvres et vaches paissant tranquillement et vous serez proche de la réalité…Nous sommes interrompus dans cette douce ambiance bucolique par le ronflement d’un moteur Isuzuesque. Les sacs chargés dans la benne, nous grimpons à notre tour. La piste serpente à travers la montagne tout droit en direction du soleil couchant. Rapidement le soleil fait place à la nuit. Notre vue se limite maintenant à l’éclairage des phares et à quelques feux qui éclairent la montagne de temps à autre. Nous arrivons dans un village, où nous trouvons le gîte et le couvert. Rien de sensationnel : hôtel cellule et Injera avec un peu de fromage de chèvre local, rien à voir avec un Saint-Maure ou un petit Picodon.
Le lendemain, après s’être rincé la figure et avalé un café sur un tas de parpaing, nous repartons accompagnés d’une escorte bambinesque. Une heure plus tard, bruit de moteur dans le lointain, à la sortie du virage un bus. Il s’arrête, nous reconnaissons le Ticket Man de la veille. On embarque, on lâche 40 birrs pour un trajet jusqu'au village où nous pourrons changer de bus direction Sodo. Après une bonne heure de piste nous arrivons. Parfait le bus pour Sodo est là ; nous avons même la chance de trouver une bonne place, il n’y a plus qu’à attendre que le bus soit plein. Il est 11 heures, nous devrions arriver à Sodo avant la nuit. Une heure plus tard, pas plus de monde dans le bus. Laetitia s’endort, je fais un petit tour dans la gare routière, et j’apprends que notre bus est en panne et que nous attendons la pièce de rechange qui est en route… Voilà qui me laisse le temps de faire un tour au marché qui se tient tout près. Quelques personnes possèdent un étale, mais la plupart sont installés à même le sol, regroupés par marchandises : fruits, légumes, viande, tissus, épices, ustensiles…retour à la gare, la pièce n’est toujours pas arrivée. A l’ombre d’un arbre nous attendons. Un bus arrive, et le peu de passagers de notre bus remonte à bord, il ne faudrait pas que l’on nous prenne nos places. Un quart d’heure plus tard on nous fait descendre du bus, en nous annonçant que nous devons prendre un autre bus…une fois installés, nous apprenons qu’il ne va pas à Sodo, et que nous devons remonter dans le bus dans le quel nous étions. Mais la pièce n’est toujours pas arrivée, cela fait trois heures que nous sommes dans cette putain de gare. On prend nos clics et nos clacs et on s’arrache pour taper le stop. A peine sortis du village nous sommes pris par un 4x4, installés confortablement à l’arrière, le bonheur sera de courte durée, au village suivant nous sommes déposés. Direction la sortie du village, accompagnés par quelques badauds attirés par le teint clair de notre peau, puis par une nuée d’enfants rapidement chassés par des adultes. Une heure se passe, un Isuzu arrive. Il est vide et il se rend à Sodo. Nous chargeons quelques personnes en route, qui lâchent quelques Birrs, le Ticketman nous fait signe que ce n’est pas la peine pour nous. Peu avant le couché du soleil nous arrivons dans un village, tout le monde descend, le propriétaire du camion nous fait signe de passer à l’avant du camion. Pendant que nous attendons, des hommes chargent le camion de sac de farines, apparemment une partie du chargement vient d’une aide internationale. Quelques stops supplémentaires dans le village, et à la nuit tombée nous partons. Arrivée prévue vers 22 heures. Même si nous sommes à l’intérieur de la cabine, on ne peut pas dire que se soit le grand confort, quatre à l’avant dans une cabine qui peut accueillir au plus trois personnes, chauffeur compris. A 21h30, nous stoppons dans un hangar où une partie de la marchandise est déchargée. Deux hommes postés sur le haut du camion déposent un à un des sacs d’une bonne cinquantaine de kilos sur les épaules d’un homme qu,i tête recourbée sous le poids du sac, fait des allers-retours entre le camion et le hangar.
Le vent se lève, nous retrouvons enfin le bitume, comme on revoit un ami après de longs mois d’absence. Dans une demi-heure nous serons à Sodo. Le vent souffle de plus en plus fort, heureusement que nous sommes à l’abri dans notre cabine. Petit à petit les lumières de la ville font leur apparition ; puis les maisons, enfin le camion s’arrête devant un immeuble, le ticketman fait un rapide aller-retour et vient nous chercher. Nous pourrons dormir dans cet hôtel, si on le souhaite. On débarque nos affaires, le conducteur nous demande 100 birrs : « Sorry, but it’s just fifty by bus… » « Yes, but with me, it’s one hundred » « You can do a little price » « No ». On lâche les 100, et nous nous dirigeons vers l’hôtel, chambre pourrie, pas d’eau, pas de chiottes et c’est 70, et pas moyen de négocier. Nous faisons demi-tour, heureusement les gars du camion ne nous lâchent pas. Nous faisons le tour des hôtels en cametar. Le ticketman, courrant d’hôtel en hôtel pour voir si il y a de place. Teddy le ticketman, fini par nous trouver un hôtel à 50, nous prenons nos sacs, et nous le suivons. Nous passons le portail, nous voyons la tête du gardien changer au moment où il se rend compte que nous sommes des farengis. S’en suit une discussion en amharique, pour nous ce sera 80, notre chauffeur a beau défendre notre cause, il y a rien a faire. Fatigués, nous acceptons.