28 mai 2008

J+207-212 / Un opéra au cœur de l´Amazonie

Nous débarquons tous les cinq dans le port, avec nos sacs sur le dos, avec comme toujours pour première mission de trouver un hôtel. Nous commençons par ceux bon marché qui figurent dans nos différents guides mais aucun ne nous convient. Nous sommes dimanche, il est 7h du matin et la ville est calme. Un rabatteur d´hôtel croise notre route et nous propose d´aller voir une pension dans un autre quartier meilleur marché. Pourquoi pas, de toute façon on a tous envie de s´installer rapidement et d´aller prendre une douche et un bon café. L´hôtel ne fera pas non plus l´affaire mais visiblement dans le quartier ce n´est pas ce qui manque. Nous nous séparons en deux groupes et les visitons les uns après les autres. Dans l´un deux, lorsque nous demandons si ils ont des chambres libres on nous demande si c´est pour une heure ou pour la journée ! Ben non, pour la nuit ! On regarde le nom de l´hôtel et on comprend tout : le Cupidon Hôtel… En fait la plupart des établissements du quartier sont du même type. En tout cas, de ce type ou d´un autre, aucun ne convient, pas de lumière, odeurs d´humidité, trop cher… Les deux groupes sont bredouilles et nous décidons que nous allons d´abord prendre un bon petit déjeuner et enfin poser nos sacs. En discutant avec le proprio nous apprenons qu´ils ont aussi des chambres à l´étage. Parfait, nous allons les voir et cette fois c´est la bonne, pas le luxe mais ça nous va. Comme nous prenons trois chambres nous négocions les prix et allons enfin nous installer, c´est la première fois que nous mettons autant de temps pour nous loger. Nous regagnons chacun notre chambre et nous donnons rendez-vous pour un peu plus tard, nous avons tous besoin d´une bonne douche et d´un peu de repos. C´est dimanche après tout. Un peu requinqués, nous partons avec Julia voir un peu à quoi ressemble cette ville pour laquelle nous avons voyagé plus de quatre jours et traversé la moitié de l´Amazonie. Tout est aussi calme que ce matin, c´est assez étrange de voir aussi peu de circulation et de gens dans les rues mais c´est aussi agréable pour découvrir la ville. Manaus est la plus grande ville de l´Amazonie, fondée en 1669 par les portugais, elle n´était à cette époque qu´un village. Au milieu du XIXème siècle avec le développement de l´automobile et de l´industrie du pneumatique la ville se développe à un rythme frénétique, comme à Iquitos, grâce à l´exploitation de l´hévéa. Le déclin vient après les années 1910 quand le caoutchouc fut planté en Asie à l´initiative des britaniques. La ville déclinera rapidement. En 1957, le gouvernement décide de créer une zone franche pour relancer l´économie et c´est à Manaus que l´on trouve les principales industries d´électroménager, d´électronique… qui approvisionnent le marché national. Aujourd´hui, la ville compte plus d´un million et demi d´habitants et vit aussi beaucoup du tourisme. Il reste encore pas mal d´édifices de l´époque glorieuse, certains en ruines et d´autres encore debout. Nos pas nous mènent au Teatro Amazonas, le premier d´Amérique du sud construit en 1896 et le plus majestueux symbole de l'apogée économique de Manaus. Il dispose de 700 places et a été construit avec des briques apportées d'Europe, des verres français et du marbre italien. Nous sommes un peu déçus par son aspect, un bâtiment d´un rose pas franchement terrible. Par contre la coupole en mosaïque représentant le drapeau brésilien a plus d´allure. Nous pensons qu´aller voir un opéra en pleine Amazonie ça le fait, entrons voir si des représentations sont prévues pour les jours à venir et apprenons que nous tombons en plein festival. Nous choisissons d´assister dans 4 jours à "Ariadne Auf Naxos" un opéra de Richard Strauss. La jeune fille de la billetterie nous demande si nous sommes étudiants pour payer le tarif réduit. Nous sommes flattés mais nous lui expliquons que nous ne pouvons plus bénéficier de ce genre de tarifs depuis bien longtemps. Soit elle ne nous a pas cru, soit elle avait envie de nous faire plaisir, elle a décider de nous en faire profiter quand même et nous a proposé de meilleures places à moitié prix ! Pendant que nous réglons les billets nous regardons les affichettes près du comptoir et lisons que, sans exiger une tenue de soirée, certains vêtements ne sont pas tolérés, les tongs par exemple. Le problème c´est que nous n´avons pas vraiment de tenue adéquate dans nos sacs à dos et les autres chaussures que nous possédons en dehors de nos tongs sont nos chaussures de randos, trop classe pour aller à l´opéra ! La jeune fille nous assure que ça ira très bien tant que ce ne sont pas des tongs en plastique. De toute façon il faudra bien. En sortant nous tombons sur Patricia et Reto et continuons avec eux notre ballade. Nous dînons ensemble dans la rue, repas populaire, bon et pas cher et allons boire quelques bières dans un petit bar sympathique dans le quartier de notre hôtel. Les garçons jouent au billard, ici il se joue d´une autre façon, en utilisant seulement quatre boules et c´est celui qui entre la dernière qui gagne -quel que soit ce qu´il ait pu faire avant. Tous un peu claqués nous allons nous coucher en espérant que demain la ville sera un peu plus animée. Patricia, Reto et Julia ne resterons que trois jours à Manaus et nous nous retrouverons le soir pour dîner ensemble. Nous testons un autre repas populaire sur le port. La nourriture est bonne mais les odeurs le sont moins. Le port de Manaus est un lieu commercial très important. De jour comme de nuit, des dockers déchargent de la marchandises et c´est donc un lieu très animé, une halle entière est réservée à la banane, de la plus verte à la plus noire. Nous passons cinq jours à découvrir la ville et ses environs et comme d´habitude nous l´arpentons à pied. Effectivement en dehors du dimanche où la ville est assoupie, en semaine et jusqu´à tard, les rues sont animées par les vendeurs de rues, les passants et les véhicules. La veille du départ de Julia nous faisons tous les trois une tentative pour aller voir la rencontre des eaux. C´est un phénomène qui se produit à quelques kilomètres de Manaus, l´Amazone rencontre le Rio Negro et comme leurs eaux ont des propriétés et des couleurs différentes elles se suivent sur une centaine de kilomètres avant de finalement se mélanger. Si nous n´étions pas arrivés de nuit sur la ville nous aurions pu les voir du bateau et du coup, munis des infos que Julia a dégoté à l´office du tourisme nous prenons un bus pour un port qu´on lui a indiqué où nous devrions pouvoir prendre un bateau pour pas trop cher. A peine arrivés il se met à pleuvoir mais ce n´est pas ce qui nous embête le plus. Le bus nous a déposé au bon endroit mais il s´agit de l´entrée du parc d´un grand hôtel, ça serait étonnant d´y trouver un bateau pas cher. Nous nous abritons le temps que la pluie s´arrête en nous demandant pourquoi l´office du tourisme nous a envoyé là... Plus nous avançons moins nous comprenons. Encore ce serait nous qui aurions eu ces infos, avec le peu de portugais que nous parlons nous aurions pu nous dire que nous avions mal compris mais Julia parle portugais. Nous arrivons devant l´agence de voyage de l´hôtel et allons nous renseigner. Nous ne sommes absolument pas au bon endroit, bon ça on s´en était un peu rendus compte, mais on est carrément à l´opposé et effectivement d´ici des bateaux partent mais ce n´est vraiment pas dans notre budget, c´est le grand luxe. La rencontre des eaux ce sera donc pour un autre jour et sans Julia qui part demain. Comme dans le parc de l´hôtel il y a un mini zoo nous décidons d´aller y faire un tour en nous disant que c´est toujours ça de pris. A peine avons nous le temps de voir trois bestioles qu´il se met à pleuvoir des cordes. Nous nous précipitons dans l´hôtel pour nous abriter et nous y passerons finalement trois bonnes heures à attendre que la pluie se calme... Après avoir visité tous les endroits où nous pouvions aller nous avons fait un petit billard et une partie de carte. Il fallait bien s´occuper vu qu´on avait pas les moyens pour profiter ni du bar ni des boutiques de l´hôtel. On a été un peu étonnés mais personne ne nous a demandé ce qu´on faisait là et on a pu se balader un peu partout sans problème. La pluie a finie par s´arrêter et on a pu continuer notre visite du zoo avant de reprendre un bus pour le centre ville. Avec tout ça il est bien quatre heures de l´après-midi et on avait pas fait grand chose, on termine la journée par un petit tour avant que le soleil ne se couche. Ce soir Julia va à l´opéra et les quatre autres décidons d´aller dîner dans une Churrascaria pour déguster de la bonne viande à volonté. Nous profitons de l´absence de Julia qui est végétarienne et n´aurait pas apprécié ce genre d´endroit. Pour nous l´opéra c´est le surlendemain. Entre temps nous disons au revoir à nos trois amis qui partent pour d´autres destinations. Nous déciderons finalement de ne pas aller voir cette fameuse rencontre des eaux et profiterons de ces deux journées pour approfondir notre visite de la ville. Niveau musées, édifices ou expositions nous n´aurons pas beaucoup de chance, ils seront soit fermés pour rénovation soit l´exposition ne commençait que dans quelques jours ou venait de se terminer, bref nous avions l´impression de ne pas être à Manaus au bon moment. Même le marché avait été déplacé depuis peu de la grande halle datant de la belle époque dans les rues adjacentes ! Cela ne nous a pas empêché d´arpenter la ville et de découvrir de sympathiques petits quartiers. La vieille de quitter la ville est le soir de "la grande sortie" pour l´opéra. Nous repassons à l´hôtel pour nous faire tout beau, jean, chaussures de rando et un haut propre, la grande classe et rejoignons le centre ville et le fameux opéra. Sur les conseils de la gentille jeune fille qui nous a vendu les billets nous sommes en avance pour être les premiers dans la loge prévue pour cinq personnes, sinon nous a t-elle dit nous ne verrons pas grand chose. Petit à petit les gens arrivent, très bien habillés pour la plupart mais nous constatons avec soulagement que notre tenue de voyageur ne dénote pas trop. A 20 heures nous entrons dans l´opéra, dans le hall, une maquette en Lego de l´édifice de plus de 30 000 pièces, les ouvreuses nous invitent à rejoindre notre loge. Nous sommes les premiers et en attendant que la représentation ne commence nous avons tout le loisir d´étudier la décoration et d´imaginer les riches familles à notre place au début du siècle dernier. Les musiciens rejoignent la fosse suivis du chef d´orchestre, les lumières s´éteignent, le rideau se lève et les acteurs entrent en scène. L´opéra est en allemand, sur titré en portugais, pas facile à suivre... Nous en sortirons néanmoins ravis, ça nous change un peu de nos soirées à jouer aux cartes dans notre chambre d´hôtel, à écrire les textes pour le blog ou à boire des bières avec les autres voyageurs que nous rencontrons car même les globe-trotteurs peuvent souffrir du quotidien...
Le lendemain soir nous quittons Manaus en bus direction la Colombie via le Venezuela, 24 heures de bus pour rejoindre Ciudad Bolivar et ensuite piquer à l´ouest pour nous rapprocher de la frontière colombienne.

20 mai 2008

J+203-206 / Le ruban amazonien

La pluie cesse. Pendant ce temps viennent s´installer à côté de nous, deux touristes suisse-allemands, et pas très loin une autre allemande d´origine espagnole. Nous sommes plus de 160 sur la lancha et une poignée de touristes, sans doute le résultat des phéromones, tout corps se ressemblant s´attire et s´agglutine naturellement pour le meilleur et pour le pire. Avec à peine une heure de retard le bateau se détache de la berge et rapidement nous sommes au milieu de l´Amazone. Deux heures plus tard nous accostons dans le port de Benjamin Constant, une pause de deux heures qui nous laisse le temps de faire quelques courses au marché et dans les échoppes avoisinantes qui s´agglutinent autour du mercado. Pendant ce temps sur le bateau les vendeurs profitent de l´escale pour faire quelques profits en vendant fruits, biscuits, glaces, couvertures, hamacs et autres bricoles toujours utiles pendant ce genre de traversée. A nouveau le bateau manœuvre pour se décrocher du quai flottant. Rapidement la nuit tombe et nous montons sur le pont supérieur pour écouter un groupe de musique : musique pourrie, bière immonde au triste goût de métal contrairement à la musique, et nous mangeons avec nos petites cuillères la bouffe achetée sur le port, servie dans des sacs en plastique : la croisière s´amuse comme elle peut !!! Il y en a pour 5 jours et 4 nuits.
Direction les hamacs, histoire de passer une nuit de sommeil bercée par le roulis du bateau, parfait jusqu´à deux heures du mat. Toutes les lumières s´allument, contrôle de police, 15 policiers remontent le long des hamacs. Vérifications des papiers et des sacs. Arrive notre tour, nous donnons nos passeports puis ils commencent à fouiller le haut de mon sac, deux trois trucs tombent par terre, ils les laissent tels quels. J´essaye de leur faire comprendre que j´aimerai fermer le haut du sac voire qu´ils les remettent là où ils étaient avant qu´ils ne fouillent le reste, on peut rêver. Trois essais infructueux, je commence à gueuler, résultat, fouille complète des deux sacs, toutes nos affaires sont balancées à même le sol et ils s´en vont continuer leur fouille. Pour les policiers le résultat sera bon, un kilo de cocaïne saisi dans les machineries.
Le reste de la croisière sera plus agréable, la journée à bouquiner, regarder le fleuve se dérouler, nous dégourdir les jambes lors de courts arrêts dans les petits villages qui jalonnent la rive, tout cela rythmé par les repas et la cloche qui les annonce : 6 heures du mat, petit dej : café sucré d´office -alors p
as de café pour Laetitia- et un pain ramollo ; 11 heures déjeuner, en moins d´un quart d´heure dans une petite cantine de 15 places pour ceux qui n´ont pas leurs gamelles comme nous et au menu viande accompagnée invariablement de haricots, riz, spaghettis et manioc ; et rebelote à 17 heures 30 pour le dîner -oui, pour le dîner c´est tôt ! Le soir point de lecture, direction le pont supérieur pour se rafraîchir le gosier en buvant de la bière, en fumant des clopes, en racontant des conneries sur fond de musique d´ambiance. La croisière se détend. Nous rencontrons un vieux pépé qui a vécu en France il y a une vingtaine d´année dans le bordelais, il a perdu son français, mais en gardé l´esprit de la bouteille, dès midi il attaque à la bière pour finir à la clôture du bar vers minuit. Pour les autres personnages notables, une vieille folle qui fume clope sur clope en dansant frénétiquement au son des reprises que les jeunes musiciens exécutent en boucle du midi au soir.
Le dernier soir arrive avec les lumières de Manaus qui scintillent sur la berge, nous quittons l´Amazone pour rejoindre le Rio Negro et accoster dans la plus grande ville d´Amazonie. A Cusco nous étions sur l´un de ses affluants, nous suivons donc le fleuve depuis plus de 2500 kilomètres. Enfin nous sommes à Manaus, une des destinations qui a fait travailler notre imagination, comme Moka, Addis-Ababa, Zanzibar, Rio de Janeiro… les prochaines villes, Bogota, Mexico, Vegas, pour moi et pour Laetitia San-Francisco. Il est onze heures du soir et nous n´avons pas envie de plonger dans la ville avec nos gros sacs tout de suite et de galèrer pour trouver un hôtel à cette heure tardive. Alors, puisqu´on nous y autorise, nous finissons la nuit dans nos hamacs et nous décidons de débarquer, avec nos trois compagnons de voyage Patricia, Reto et Julia seulement le lendemain. Nous ne sommes pas les seuls, il reste encore une bonne vingtaine de personnes à bord et le membres d´équipage qui vont veiller sur nous.

16 mai 2008

J+194-203 / Jungle Fever

Après trois jours de lancha, bateau rappelant ceux du Mississippi, les roues à aubes en moins, nous débarquons à la triple frontière - Pérou, Colombie, Brésil - sur la rive péruvienne, petit village sans électricité. Formalités douanières accomplies, nous nous laissons entraîner par un rabatteur et quelques minutes plus tard nous sommes sur une barque pour passer du côté colombien de l´Amazonie : Leticia. Elle est plus grande que le trou paumé du Pérou, en dehors du nom, elle n´est ni excitante, ni jolie ; la ville pas ma chérie !!! Notre rabatteur nous emmène jusqu´à un petit hôtel sympathique, Gustavo, le propriétaire nous laissera sa chambre, la seule avec un lit deux places, attenante au jardin, murs de bois et toit de palme. Pendant deux jours nous voyons comment organiser une randonnée dans la jungle, Gustavo nous trouve un guide et nous organise une randonnée de 5 jours pour pas cher, parfait pour nous. En plus il nous fourni les hamacs (équipés de moustiquaires) et des bottes à nos tailles. Nous occupons ces deux jours à nous balader en ville et dans les environs et enfin arrive le jour tant attendu. Gustavo part faire les courses –la nourriture dont nous aurons besoin pendant ces 5 jours-, pendant ce temps nous finissons nos sacs et à 10 heures le taxi arrive pour nous emmener jusqu´au port ; de là nous prenons un bateau « Rapido » pour Puerta Libertad, 50 kilomètres en amont. Dans le village, Gustavo, le guide (et oui, le proprio de l´hôtel et le guide ont le même prénom) nous attend avec le sourire. Nous nous rendons chez lui, il sépare les courses en deux sacs, un pour lui et l´autre Amador, le chasseur qui va nous accompagner. Pour nous, les bonbonnes d´eau et nos petits sacs à dos. Il est midi, il fait chaud, nous sommes plus près que jamais de la jungle. Gustavo donne le signal, c´est l´heure d´enfiler les bottes et de quitter tout repère urbain. Le chasseur en tête, sac sur le dos sanglé par le front, Gustavo derrière et nous au milieu. Cet ordre de marche sera respecté pendant cinq jours. Dix minutes pour sortir du village, nous passons par une plantation de manioc, puis une bananeraie, enfin la forêt. Un sentier étroit, souvent encombré d´arbres morts dans un état de pourrissement parfois avancé. Les arbres qui ne sont pas au sol, s´élancent vers la canopée qui nous couvre de son ombre de dentelle ensoleillée du haut de ses 40 mètres. Heureux nous marchons vers notre campement, annoncé à trois heures d´ici. La marche en elle-même n´est pas difficile mais on doit être attentif aux branches, aux troncs, aux flaques de boues et autres obstacles. Il nous faudra plus de 4 heures de marche et de moiteur pour arriver au campement dominant une petite rivière pourvue d´une cascade d´eau claire. Les guides installent les hamacs sous la cabane, Gustavo s´occupe du feu qu´il démarre avec une boule de résine récupérée sur un arbre connu par lui pour sa sève qui brûle longtemps. Le temps de faire un café et une pluie torrentielle vient troubler la partie ; nous nous rabattons en catastrophe sous la cabane dont le toit de palme ne tarde pas à montrer ses faiblesses. Les hamacs sont trempés. Nous buvons notre café entre les filets d´eau qui s´écoulent au dessus de nos têtes et le feu meurt noyé sous la pluie, Bien fatigués nous allons nous coucher après avoir bâché nos moustiquaires et sans possibilité de manger ce soir.L´aube se lève, la forêt s´éveille doucement et nous avec. Il est 6 heures, la pluie a cessé. Un bon café, une toilette ; nous sommes prêt pour notre première journée dans la jungle. Le chasseur retourne au village pour chercher une bâche afin de rendre le toit de notre cabane parfaitement étanche et son fusil. Pendant ce temps nous partons avec Gustavo dans les alentours, il nous montre différent arbres, notamment celui dont se servent les indiens pour allumer les feux. Pour nous montrer d´où vient la résine, il abat l´arbre à coup de machette, simple et efficace !!! Un arbre de trente mètres qui s´écroule c´est impressionnant, une chute au ralentit et en puissance. Sur le retour il nous montre quelques plantes et nous fait gouter des fruits. En attendant le retour du chasseur nous mangeons un bout et Gustavo nous parle un peu de lui et nous apprend qu´il est l´un des trois chamans de son village, un pouvoir qu´il a hérité de son grand-père. Au cours de la discussion il nous indique près du camp un arbre-esprit qui veille sur nous, nous voilà rassurés. Malheureusement il n´a aucun remède contre les moustiques. Nous profitons de cette protection spirituelle pour nous plonger dans nos hamacs. Avant la tombée de la nuit nous dînons, et attendons encore une heure que la nuit soit bien dense, enfilons nos bottes et partons à la lumière de nos lampes-torches. Ce soir nous allons chasser le caïman. Après une heure de marche nous commençons à longer un cours d´eau, régulièrement notre chasseur plonger le faisceau de sa lampe dans le lit de la rivière et après un quart d´heure de traque il débusque l´objet de sa convoitise. Mais le caïman reste invisible à nos yeux de citadins, il faudra que nous descendions dans l´eau et qu´Amador lui mette la lampe presque dessus pour que nous le voyions enfin. Ce pauvre caïman aveuglé par la lampe torche n´a aucune chance quand la machette du chasseur lui entaille la tête de façon définitive. Il place le caïman sur le tronc d´un arbre. Nous continuons notre chemin en quête d´une autre proie, la seule que nous trouverons ce sera une tarentule, charmante petite araignée bien velue et grosse comme la main. Gustavo nous indique que celle-ci n´est qu´une enfant. Nous retournons au camp avant que les mauvais esprits ne soient de sortie, selon les dire de notre guide chaman, ils sortent vers 11 heures, un peu comme nous quand on va boire un coup...Cette nuit nous dormirons au sec, la bâche a été posée dans l´après-midi et il ne pleut pas. Dès 6 heures nous sommes debout au chant du perroquet, beaucoup plus sympathique que celui du coq. Les moustiques recouvrent la moustiquaire prêts à l´attaque mais nous n´avons pas le choix il faut bien sortir. Pendant que nous buvons notre café, encore un peu dans le coltar ; Amador s´active pour préparer le caïman en le passant au dessus du feu afin de lui retirer les écailles –après il sera doux comme un bébé nous dit-il-, sans plus de finesse culinaire il le pose sur le feu. Nous le mangeons avec du manioc et le trouverons plutôt bon. Un petit nettoyage à la rivière, et nous enfilons nos bottes et nos fringues de plus en plus sales. Nous partons en virée forestière. Au programme singes et tarentules que le chasseur ira chercher à la main au fond de son trou. De retour, les guêpes ont envahit le campement, attirées par l´odeur du caïman et d´autres restes culinaires. Le guide préfère que nous changions de campement. Nous remballons les affaires et nous nous mettons en route. Nous arriverons une bonne heure avant la nuit, ce qui laisse le temps aux guides de nous montrer leur savoir-faire en survie en forêt et de construire en moins d´une demi heure un abri pour dormir. L´emplacement n´est pas aussi bien que le précédent, pas d´eau clair et à la tombée du jour, les moustiques passent à l´action. Du jamais vu. D´un seul coup j´en tue trois sur mon pied. En permanence nous sommes agacés par leur vrombissement, ils sont si nombreux qu´ils produisent un bruit sourd qui donne une impression d´être au cœur d´une usine naturelle qui jamais ne s´arrête. Bref pas de temps à perdre, nous expédions le repas du soir et nous nous réfugions sous nos moustiquaires avec nos bouquins. Pendant la nuit, je constate que nos guides prennent notre sécurité très au sérieux, à peine le temps de me lever pour aller pisser que la torche de Gustavo s´allume pour vérifier si tout se passe bien. D´ailleurs le lendemain, nous le verrons prier tout en fumant son tabac, il nous expliquera que cette substance est nocive pour les non initiés, mais très bonne pour les chamans, je crois que je vais devenir chaman !!! Dans l´après-midi nous partons taquiner le poisson, le nous n´est pas approprié car il n ´y a qu´une seule canne celle du guide car il a oublié de nous en préparer une. Pas grave la pêche m´ennui profondément. Pendant que nous le suivons se déplaçant le long du cours d´eau à la recherche de notre futur dîner, nous regardons les plantes vertes, les fougères arborescentes, les fleurs, les processions de fourmis, les papillons, libellules, les mousses...bref tout le joli petit écosystème qui compose la forêt d´Amazonie. Nous essayons de repérer des toucans, l´oiseau préféré de Laetitia, nous les entendons mais la canopée est bien trop haute pour nos yeux. De retour de notre partie de pêche nous nous apprêtons pour une sieste, direction les hamacs. Je remarque la présence de petits êtres appelés termites qui se baladent sur la moustiquaire, et plus je m`approche plus j´en vois, elles sont des centaines, non des milliers. Je suis du regard cette autoroute, elle remonte jusqu´à une jonction ou une route prend la direction du sommet de l´arbre, tandis que l´artère principale, égale à une highway made in USA, plonge vers le sol...Et ça bosse les termites, elles sont déjà en train de damer le terrain avec leur sécrétion marron, la corde, mon sac et la moustiquaire sont déjà bien goudronnés. Changement de point d´attache pour le hamac, nettoyage du reste et la sieste peut commencer. Une petite promenade en solo dans les environs, je découvre de jolies petites maisons de scarabées s´élevant comme de petites cheminées sur le sol chaotique de la jungle. Un peu avant la tombée de la nuit nous préparons nos petits poissons, une casserole, les poissons, un oignon, des petites morceaux de carotte, une pincée de sel, nous attendons que la magie du feu opère et nous les dégustons avant de nous faire déguster par les moustiques qui commencent à se rassembler pour une ultime attaque de nuit, mais nous préparons nos défenses et en nous aspergeant de produit répulsif puissance maximum. Rapidement nos espoirs sont réduits à néant face à la voracité de ces moustiques sans aucun doute mutants et portés par la puissance de la Pacha-Mama. Heureusement ce soir nous partons en ballade à la recherche de singes nocturnes ce qui nous éloigne des moustiques, à croire qu´ils se sont regroupés dans notre campement. Équipés de nos lampes nous suivons Amador qui régulièrement éteint sa torche nous invitant de façon implicite à faire de même. Nous sommes plongés dans une obscurité totale, perdant notre sens premier ; notre ouïe prend le relais, sollicitée de façon incroyable par le nombre de sons qui viennent de toute part, croassements, battements d´ailes tous proches, sifflements et hululements, craquements de branche dans le lointain, caquetages...et la lumière se rallume et Amador prend une direction en se débarrassant de quelques branches en moulinant avec sa machette. Lui, le chasseur, a entendu un bruit, nous rien, encore noyés parmi les milliers de bruits que la forêt produit en permanence. Nous ferons plusieurs haltes, à chacune d´elle le chasseur réoriente notre course ; il finit par diriger sa lampe vers la cime des arbres et nous voyons deux yeux s´illuminer en nous fixant...voilà nous avons vu un singe nocturne, c´est formidable. Nous rebroussons chemin, arrivons au camp pour nous faire dévorer par ces enfoirés de moustiques, le mot n´est pas trop fort, je vous assure. Nous nous réfugions sous nos moustiquaires avant de rassembler à un adolescent prêt pour le dermato.Le lendemain matin, café-moustiques. Nous quittons le camp pour le village, notre dernière marche dans la jungle, nous ouvrons grands les yeux et les oreilles. Deux heures de marche. Régulièrement Gustavo donne, comme à son habitude, des coups de machette dans un arbre qui résonne comme un tam-tam. Contrairement aux autres fois, aujourd´hui il y a une réponse. Nous nous rapprochons de la civilisation ; quelques minutes plus tard, nous arrivons sur un chantier forestier, beaucoup de gens du village sont là pour mettre à bas les arbres, qui seront bientôt remplacés par des bananiers ou du manioc. Nous passons notre chemin suivis par deux marmots bien contents de notre passage. Nous longeons plusieurs champs et petit à petit la chaleur devient de plus en plus forte à mesure que nous quittons l´ombre de la canopée. Arrivés au village, le chasseur rejoint sa maison et nous celle de Gustavo. Petite discussion avec la femme de Gustavo, résultat un collier et deux bracelets vendus. Cet achat nous permet de nous rendre compte que le village est gravement touché par l´analphabétisme. Comme Gustavo qui se fait lire les textes par son fils, sa femme à demandé à sa fille de faire l´addition pour savoir combien je lui devais. Puis nous déjeunons, des bonnes pâtes au thon, entourés de toute la smala, Gustavo et sa femme sont les heureux parents de 5 enfants. Une petite sieste avant que le chasseur nous rejoigne pour notre promenade en pirogue sur une des branches de l´amazone. Au début la pirogue se faufile entre les arbres ce qui donne l´impression de passer par des sentiers aquatiques. Pendant la saison sèche ces passages peuvent être empruntés à pied mais nous sommes encore en saison des pluies et le niveau du fleuve est 15 mètres plus haut. L´œil aux l´aguets, le chasseur repère une chose à la cime d´un arbre, nous avons beau essayer de faire chavirer la barque en scrutant le sommet des arbres, nous ne voyons rien. Nous repartons et immédiatement après avoir passé un coude, Gustavo récupère une machette auprès d´un autre gars du "pueblo" et nous entamons un demi-tour pour rejoindre l´arbre où Amador avait repéré sa proie. Gustavo, la machette en bandoulière grimpe à l´arbre avec une dextérité insoupçonnée. En moins de deux minutes il a rejoint la canopée, une minute plus tard nous entendons dégringoler quelque chose, nous craignons le pire, du genre Gustavo qui a loupé une branche ou un singe décapité. Amador dirige la pirogue vers le point d´impact, passe derrière l´arbre et commence à lutter ferme avec une bête, qui n´a pas l´air très conciliante. Mais Amador sortira vainqueur de cette lutte inégale et ramène un paresseux qu´il balance comme un sac de patate dans la pirogue. Immédiatement le bestiau veut prendre la tangente mais il est saisit par le colback et rebalancé dans le fond du bateau. Gustavo nous rejoint et pendant ce temps le paresseux retente une échappée, rien à faire. Cette fois le chasseur l´attache et nous repartons. Le regard triste le paresseux regarde sa maison s´en aller. Du bluff car la corde n´était pas bien attachée et il réussit, avec la complicité de Laetitia qui avait vue la possibilité d´évasion et qui comme tout Corse qui se respecte a su tenir sa langue. Notre héros plonge dans la rivière. Beaucoup plus habile dans l´eau que sur terre, il entame une longueur en direction de la rive à une vitesse étonnante. Le chasseur n´apprécie pas cette escapade fait pivoter la barque et le rejoint avant qu´il n´est eu le temps d´atteindre les arbres. Cette fois s´en est finit de la liberté, il passera le reste du trajet à regarder tristement la berge et quand au retour nous repasserons devant l´endroit de sa capture il tendra le bras, comme le faisait un certain personnage dans le célèbre navet de Steven Spielberg. Nous sommes attristés du sort du paresseux et demandons ce qu´il compte en faire, pas le tuer au moins ? Ce pauvre paresseux est promit à un avenir peu radieux. Amador nous explique tout content qu´il va servir de modèle photographique pour les touristes de passage au village. C´est toujours mieux que de finir dans une assiette, mais tout de même moins bien que de taper la sieste au sommet des arbres en regardant le vol des perroquets.Avant la tombée de la nuit, le village reçoit sa livraison de touristes quotidienne. L´un des gars du village enfile son déguisement d´indien de la forêt pour faire son show, des petits stands de souvenirs s´installent le long de l´allée centrale en quelques minutes. Les singes, perroquets, paresseux sont de sortis au bout d´une ficelle prêts à être photographiés par qui voudra bien lâcher quelques pesos. Le village est transformé pour la circonstance et retrouvera son calme et son aspect dès les touristes partis.
Après le repas du soir, et que Gustavo soit revenu de la consultation chamanique, nous avons une discussion avec lui, au cours de laquelle il fera une prière pour nous. Nous le remercions lui et sa famille et nous allons nous coucher. A l´aube le village se réveille au chant du coq. Deux heures plus tard nous sommes dans une pirogue sur le bord de l´Amazone ; nous attendons le passage du Rapido pour Leticia. Gustavo embarque avec nous, sans doute pour récupérer le fruit de son travail auprès de l´autre Gustavo qui d´ailleurs nous attend sur le quai à Leticia et qui a l´air tout étonné que le guide soit revenu avec nous. Nous prenons un taxi pour la Posada, Gustavo le guide voudra y aller à pied, nous l´invitons à venir avec nous. A la maison, les deux Gustavo auront une discussion privée. Nous invitons Gustavo le guide à venir boire un coup. Gustavo le propriétaire s´y oppose presque. Tous les trois, nous prenons un bon petit-déjeuner et ensuite nous passons dans un cybercafé, Gustavo voudrait que nous lui créions une adresse email mais nous nous rendrons qu´il ne sait ni lire, ni écrire et qu´il ignore sa date de naissance. Espérons qu´il se fera aidé par l´un de ses enfants qui eux ont la chance de pouvoir aller à l´école. Nous nous quittons là, heureux des quelques jours que nous avons passé avec lui au cœur de la forêt amazonienne. Demain nous partons pour Manaus, encore plusieurs jours de bateau au rythme du fleuve et cette fois nous allons acheter des hamacs dignes de ce nom. Gustavo de la Posada nous propose son aide pour acheter les billets le lendemain, parfait. A la nuit tombée nous partons à la recherche d´un petit restaurant pour dîner en amoureux, c´est bon de s´asseoir en tête à tête avec une assiette, un vrai repas et une bonne bière. Pas de grâce matinée pour les voyageurs, nous partons avec les bicyclettes de Gustavo sous la chaleur amazonienne pour valider notre sortie de territoire colombien, puis notre entrée en terre brésilienne. D´abord direction l´aéroport de Leticia, résultat un tampon et un litre de sueur. Heureusement que le bureau des douanes possède la climatisation. Nous reprenons nos vélos pour Tabatinga, ville jumelle de Leticia côté brésilien, un nouveau litre de sueur dépensé et notre tampon d´entrée. La course continue, nous devons trouver l´argent pour nos billets, nous ne trouvons pas de distributeur côté brésilien, retirons du côté colombien, puis changeons nos pesos en reais. Retour à la posada, je repars en moto avec Gustavo pour le port de Tabatinga. Gustavo discute avec le receveur, le contact est mauvais. Nous repartons pour un autre port, un bateau plus petit, en moins bon état mais l´accueil est plus chaleureux sur le "Dom Manoel", j´aurai même une petite ristourne, de 150, nous passons à 140 grâce à mon deuxième prénom : Manuel. Souvent les gens préfèrent utiliser mon deuxième prénom, Stanislas est trop compliqué à prononcer, Manuel beaucoup plus familier pour les latino-américains. Nous installons les hamacs sur le pont, et retour à l´hôtel pour chercher Laetitia. En aparté, nous avons une petite discussion avec Laetitia, qui me rappelle que Gustavo nous avait dit que s’il y avait deux bateaux nous pouvions toucher le billet à 100. Nous en parlons à Gustavo, qui prétexte qu´il ne pouvait pas demander de ristourne car il était de la ville et que cela aurait été mal venu de sa part de demander un tarif préférentiel. En y repensant je me souviens que lors de la discussion avec la dame, j´ai cru entendre le mot "commission" ; le doute s´installe sur la probité du bonhomme. Tout cela n´est pas bien grave, nous partons déjeuner dans un restaurant à pas cher. Il est 13 heures, nous prenons un minibus dans un état limite mais qui arrive tout de même à destination. Nous embarquons, regagnons nos hamacs, il y a en a beaucoup d´installés sur le pont, beaucoup plus que tout à l´heure et que lors de notre trajet pour arriver jusqu´à Leticia. Le temps se couvre et une pluie violente s´abat sur le port.

12 mai 2008

J+186-194 / La cité de la jungle

Vol de nuit. Une heure et demie pour 500 kilomètres au-dessus de la plus grande et la plus primaire forêt du monde pour rejoindre Iquitos. De l´Amazonie vue du ciel nous ne verrons rien. Atterrissage sans encombre. Nous récupérons nos affaires sur le tapis roulant qui fonctionne tant bien que mal et sortons du petit aéroport. Ivan nous attend, il a un peu changé depuis la dernière fois où nous l´avons vu à Puno, il est passé chez le barbier et a dû perdre un bon kilo de poils. A peine le temps de nous saluer que nous avons déjà plusieurs propositions de différents taxis pour nous emmener jusqu´au centre ville. Tout en fumant notre première cigarette en terre amazonienne, nous nous dirigeons naturellement vers le taxi qui a l´air le plus sympathique, une femme bien en chair et tout sourire. Pendant le trajet nous nous racontons les deux semaines que nous avons passées chacun de notre côté. Pour Ivan ses expériences chamanique et pour nous notre visite du Machu-Pichu et notre remontée chaotique pour arriver jusqu´ici. Le récit d´Ivan est évidemment à tendance psychique et le notre beaucoup plus physique. Le taxi nous dépose Plaza de Armas. Toutes les villes péruviennes dignes de ce nom possèdent au centre de la cité et comme place principale, une Plaza de Armas, Iquitos n´y échappe pas. Ivan étant sur place depuis quelques jours, il a loué une chambre dans un petit hôtel en plein centre. Une entrée un peu sombre encombrée de divers peaux de bêtes, crocodile, léopard, des crânes mais aussi un grand perroquet coloré qui donne du « OLAAAA » à ceux qui passent l´entrée. N´étant pas en haute saison nous pouvons discuter un peu le prix. Notre chambre est superbe, spacieuse et ventilée et avec cette chaleur c´est un luxe, tout en bois, nous y accédons par un enchaînement de petits escaliers. Si nous n´étions pas en ville, nous aurions le sentiment d´être au cœur de la jungle. Pour continuer notre immersion dans un milieu sylvestre Ivan nous emmène dans un restaurant entièrement en bois, les chaises, les tables, les murs. L´espace est grand et aéré, les serveuses sont charmantes et souriantes, la cuisine italienne est parfaite, le vin un peu fort, mais c´est ce qu´il fallait pour des retrouvailles. Tant qu´Ivan sera là ce sera notre cantine, Ivan parti nous en changerons car bien que le lieu soit idéal, les prix sont élevés. Tout se paye dans ce monde. La rue de notre hôtel donne directement sur la place principale, les écrivains publics sur leur vieille machine y passent la journée, du côté ombragé de la rue, à attendre le client pour lui écrire des lettres sans doute plus administratives que sentimentales. L´un deux est passionné d´échecs, entre deux lettres il croise le fer avec les passants. L´échiquier est sans doute aussi vieux que sa machine, et je n´ose pas imaginer le nombre de lettres et de parties qui ont été écrites et disputées sur ce bout de trottoir. Nous sommes en pleine semaine sainte alors évidement quand nous passons près de l´église de la place principale pour nous rendre au marché de Belem, elle est pleine à craquer. Le marché lui aussi est plein à craquer, si l´église nourri l´esprit de denrées spirituelles, n´oublions pas que l´homme est de chair et que le matériel a son importance pour sa survie dans ce monde qu´il se créé chaque jour et parfois on pourrait se dire que ce monde est bien hostile. Le marché et le quartier de Belem en sont un bon exemple. D´abord le marché. Immense, vivant, bruyant, coloré, exotique…tout à fait charmant au premier coup d´œil. Mais sous ce vernis que reste t-il ? Des chiens galeux qui traînent dans les allées à la recherche d´une pitance quelconque, des allées pleines de boue et de détritus, des étales qui vendent des viandes souvent plus bleues que rouges. Des pickpockets, l´un d'eux à même voulu exercer son art sur le sac de Laetitia, heureusement elle s´en est rendue compte et il a filé vite fait sans demander son reste ; des gamins pour vendre des confiseries ou vous cirer les pompes pour quelques centimes. Évidemment je grossi le trait car on trouve aussi de beaux étales avec de beaux fruits et légumes, de magnifiques paires de baskets qui sentent la contrefaçon, du matériel électroménager dernière génération. Dans ce marché il y a aussi une partie réservée à la magie ; on y voit tout les ingrédients indispensables pour des cérémonies chamaniques, plantes hallucinogènes, dont la fameuse ayahuasca, graines, écailles de tortues… bref tout le nécessaire du parfait chaman. Ce marché incroyable jouxte le quartier du même nom. Belem est la Venise du pauvre, il est construit sur la rive de l´Amazonie. Il en subit la crue, pendant la saison des pluies on circule en barque ou sur des chemins de pilotis construit avec le tout venant, planches, troncs. Cela donne une espèce de sentier chaotique où les gens du quartier marchent avec aisance mais pour celui qui ne connaît pas la circulation est beaucoup plus délicate. Les maisons sont comme les chemins, construites avec du matériel que l´on imagine aisément de récupération, couvertes de l´inévitable toit de taule. Pendant la saison des pluies ce tableau peut sembler presque charmant, mais en saison sèche quand l´eau s´en est allée et que seules les maisons restent au milieu de la boue, je pense que l´ambiance est toute autre. Nous finissons notre ballade dans un troquet surplombant le quartier ; nous y passons l´après-midi à discuter, jouer à un jeu de société en buvant des bières à pas cher. Dans cette ville l´architecture ennuyeuse, la seule caractéristique architecturale intéressante est les Azulejos, mosaïques d´origines espagnole et portugaise. Ils ornaient les demeures aux heures de gloires de la ville, quand l´argent coulait à flot grâce à l´exportation du caoutchouc qui coulait dans les veines des hévéas qui poussent à l´état naturel dans la forêt. Mais l´exploitation difficile de ces arbres, et celle de la population locale pris fin quand les anglais volèrent des graines de cet or vert pour en commencer l´exploitation de façon industrielle en Malaisie. Après cela la ville connu une récession qui prit fin avec la naissance du tourisme de masse et l´exploitation forestière vers l´Europe, l´Amérique et aujourd´hui vers l´Asie notamment, nouveau prédateur des ressources terrestres. De la forêt d´Iquitos nous ne verrons pas grand-chose, nous irons faire un tour en pirogue sur deux affluents de l´Amazone, le Nanay et le Momon. Toutes les rivières du plateau amazonien sont calmes et majestueuses, circulant comme l´anaconda dans la végétation luxuriante, s´accrochant aux arbres, ondulant sur le sol, se faufilant entres les racines. Notre jeune guide, voudra nous emmener dans quelques villages typiques avec des indiens de pacotille, gentiment nous déclinerons sa proposition et opterons pour un petit parc animalier où nous pourrons voir des paresseux, une tortue qui a sans doute servie de modèle pour les générations futures tellement son fasciés semble sorti des âges où la nature n´était pas encore une artiste accomplie. Nous verrons aussi des anacondas, des oiseaux et de petits singes malicieux. Quelques jours plus tard nous retournerons sur ce bras du fleuve pour visiter une ferme aux papillons tenue par une australienne. A force de patience et de connaissances des plantes sur lesquelles les chenilles se nourrissent, elle a réussit à recueillir quelques papillons qui volent dans une immense cage au milieu de plantes luxuriantes. Certains de ces papillons atteignent la taille respectable de deux mains l´une à côté de l´autre. Outre les papillons on trouve un tapir, un fourmiller et un léopard qu´elle a dû recueillir, comme cela arrive souvent quand des touristes crédules et stupides, achètent des animaux à des vendeurs cupides et peu scrupuleux et qu´au moment de partir finissent par l´abandonner dans l´hôtel où ils ont logé ou dans un refuge. C'est ce qui se passera dans notre hôtel, où deux jeunes personnes ont acheté un petit singe au marché de Belem, histoire d´avoir un animal domestique pendant leur séjour amazonien. Nous retrouverons ce bébé singe attaché à un poteau et eux sans doute déjà dans l´avion direction l´Europe.
Les jours se succèdent et vient celui ou Ivan doit nous quitter pour repartir vers Lima. Direction l´Antica notre QG gastronomique : entrée, plat, dessert. Le lendemain nous accompagnons Ivan à l´aéroport, une dernière clope sur le parvis, il passe le portillon électronique et nous revoilà en solo. C´est dans ces moments que l´on peut se rendre compte de notre attachement à nos amitiés et du bien que cela fait de revoir les amis et de se raconter des histoires qui nous sont communes, d´imaginer des projets farfelus, de se raconter des histoires stupides, de faire des constats amers sur le monde, de se dire que notre avenir est bien gris, mais que la vie malgré tout une aventure formidable et unique et qu´il est de notre devoir de remplir la coupe et de la boire jusqu´à la lie. Nous passerons encore deux jours à arpenter les blocs d´Iquitos avant de nous embarquer sur une « lancha » un bateau à fond plat de deux ou trois ponts qui assure la déserte de Leticia, 500 km sur l´Amazonie. Nous saluons nos hôtes, et nous prenons un bus direction le port. Des bus incroyables, tout en bois et dont toutes les vitres ont été retirées. Sur le port les bateaux sont les uns à côté des autres comme des baleines échouées à marée basse. Nous achetons deux hamacs, nous prenons des filets qui prendront moins de place dans nos sacs mais nous le regretterons dès la première nuit, pratique mais pas du tout confortable. Nous nous rendons ensuite à bord pour acheter nos billets auprès du capitaine et installons nos hamacs sur le pont supérieur. Le premier pont et la cale sont réservés pour les marchandises, les deux autres sont pour les passagers. Il est minuit, avec quatre heures de retard le bateau se détache doucement de la berge pour suivre le courant du fleuve vers Santa Rosa, petit village côté péruvien de la triple frontière Brésil, Colombie, Pérou. Nous effectuerons de nombreux arrêts pour charger et décharger hommes et marchandises, la majorité des passagers sont des péruviens, nous ne sommes que quatre touristes, nous, un allemand qui n´en est pas á sa première traversée et un argentin. Les journées sont ponctuées par les repas -inclus dans le prix-, petit déjeuner à 6h30, déjeuner à 11h30 et dîner à 18h, avant que la nuit tombe. Nous avons été très choqué par la façon dont beaucoup de passagers péruviens se débarassaient de leurs déchets : en les jetant par dessus bord dans l´Amazone -alors que le bateau était équipé de grosses poubelles. Il nous faudra deux nuits et deux jours et demi pour arriver à destination et nous serons bien heureux d´y arriver car même si le paysage est magnifique avec le temps il en devient monotone, le pays est plat et du milieu du fleuve la forêt se dévoile à peine. A bord il n´y a pas grand chose à faire sinon lire ou dormir et nous regrettons d´autant plus l´achat de ces hamacs filets qui nous donnent l´impression d´être de gros poissons pris dans les mailles. Seuls l´aube et le coucher du soleil donnent une variation lumineuse à cette poésie fluviale. Débarqués, à Santa Rosa nous nous plions aux formalités douanières et nous nous embarquons à bord d´un bateau collectif pour rejoindre la fameuse Leticia qui se trouve de l´autre côté du fleuve en Colombie.