14 février 2008

J+112-116 / Belo les pieds dans l´eau

Belo-sur-Mer, ça sonne à l´oreille comme une chanson de Laurent Voulzy...nous y sommes, isolés du monde avec seulement un où deux bateaux qui viennent chaque jour si la mer et le ciel le permettent. Il y a encore quelques années une forêt dense bordait ce village sablonneux, de ces arbres, les nates en particuliers, les gens pouvaient trouver le bois qui sert à la construction de ces goélettes qui bordent la hanse de ce paisible endroit totalement retiré du monde en cette saison. Il y a plus de 20 chantiers navals alors qu´en Bretagne, pays d´origine de ce genre de caboteur, on en compte à peine une dizaine dans tout le Finistère. En nous promenant le long de ces chantiers nous remarquons immédiatement un bateau en bois jeune, mais aussi un autre immense et totalement éventré. Ce dernier est « fadhi » -tabou- car l´ancien propriétaire, un commorien est mort dans des circonstances qui n´ont jamais été élucidées et depuis tout ce qui se rapporte à cet homme est couvert par l´interdit. Les autres bateaux se construisent « mora mora », on le voit à la différence de couleur des bois de construction. Nous rencontrerons le commanditaire du bateau en bois jeune, et sans grande surprise nous faisons connaissance avec un vazaha, il nous apprend que la construction d´un tel bateau prend plus d´une année et coûte dans les 70 000 euros. Donc pour les malgaches c´est pas facile, et ils achètent le bois quand ils peuvent, le prix a presque triplé ces trois dernières années. Le président a vendu de nombreuses parcelles et leurs droits d´exploitation à des chinois, encore une histoire qui va arranger les affaires du pays. Le vazaha -un réalisateur- construit ce bateau et film toute sa construction. Le film commencera sans doute par la recherche des plans en Bretagne pays d´origine des frères Joaquim qui ce sont installés à Belo au 19ème siècle trouvant un bon accueil et les arbres dont ils avaient besoin pour la construction de leur boutre ; et se finira par sa mise à l´eau qui nécessite plus de 300 personnes, le double en litres de rhum et le sacrifice d´un zébu noir avec une tâche blanche sur le front. La date sera fixée par le sage du village.
Ce n´est pas la seule chose que l´on trouve dans ce village, il y a aussi une saline plus au nord, exploitée par une famille d´indiens. Nous partons à la fraîche avec quelques victuailles. Il est à peine 9 heures et déjà le soleil cogne comme un homme qui aurait pris perpet à Cayenne, et nous ne sommes pas encore arrivés à la saline. Nous traversons un paysage à la végétation basse et sèche et des zones entre marécage et mangrove qui sont régulièrement envahies par la marée. Les tongs collent à la vase, les t-shirts à la peau et enfin nous abordons les salines, maintenant ce sont les yeux qui en prennent jusqu´au fond du globe... Nous marchons deux bonnes heures dans une ambiance digne d´un bon film de série B, genre « la sueur du dernier gringo de Los Salinos ». Heureusement, nous finissons par arriver dans une forêt de baobabs bouteilles, rien de tel pour étancher la soif. Malheur à nous le Gringo s´est sifflé la dernière goutte avant de disparaître dans le lointain sur sa vieille mule. Bref nous voilà sans eau. Heureusement, pendant que nous attendons le char à zébus qui nous ramènera au village, nous rencontrons une vieille dame qui s´est installée à l´ombre pour vendre du thé. Elle nous explique qu´elle a un petit restaurant à Belo et elle nous propose de venir y déguster du crabe de mangrove le lendemain. Ce que nous ferons et ce sera un cauchemar. On y mangera un très bon crabe certes, assaisonné d´une petite centaine de mouches tout cela juste à côté de la porcherie de la maison avec du lisier en train de fermenter sous le soleil. Le bonheur.
La grand-mère du gamin reviendra pour que l´on change le pansement, cela va déjà mieux même si la blessure reste profonde, la main enflée et que le gamin semble avoir de la fièvre. Nous pensons qu´il lui faudrait des médicaments et décidons de nous rendre au centre de soin de Belo que nous avons vu la veille pour nous renseigner si il y a un médecin. Positif, mais en ce moment il est du côté de Morondava. Une sage femme nous renseigne et nous dit de revenir avec le gamin. Accompagnés de la mère, du père et de la grand-mère, nous y retournons et tout en discutant nous apprenons qu´elle a préféré ne pas venir car l´hôpital c´est grigri et que les vazahas c´est du gâteau. Sans commentaire, nous payons pour les médicaments, pour les pansements c´est gratuit. Elysé, le père nous remercie et avant de le quitter, nous convenons du départ en pirogue pour le lendemain. Ce sera 5h à la marée montante.
Le soir nous nous installons pour un apéro sur le bord de notre petite cahute et regardons le couché de soleil et moi je pense « il n´y aura donc rien de particulier pour mon anniversaire, grrr grrrr ». Pendant le repas je me fais la même réflexion, et Laetitia qui me demande « Ca va ? T´as l´air tout bizarre. » « Non, non, ça va ». A la fin du repas, Laetitia avec la complicité de Dorothé, apporte un magnifique gâteau de crêpes avec des bougies que Carmen avait dans son sac par je ne sais quel miracle. Par contre Roger « Pourquoi t´as pas sorti ton whisky ? T´avais tout bu ou bien? » Me voilà de meilleure humeur. « Dorothé, une tournée de THB ».
Le lendemain matin, comme convenu, nous sommes debout mais les piroguiers nous annoncent qu´ils ne veulent pas partir. Trop de houle. Effectivement derrière la lagune nous entendons le grondement de l´océan. Rendez-vous demain même heure. Nous nous recouchons et allons déjeuner dans un petit restaurant fort sympathique où nous avons discuter avec le vazaha qui construit son bateau, le taulier qui monte un projet dans la brique et qui possède une langue bien pendue, surtout quand il s´agit de parler du président et de son omnipotence. « Incroyable ce président est pire que Berlusconi, il possède quasi toutes les sociétés agroalimentaires du pays – eau, lait, céréales – un B747 pour ses déplacements -qu´il a appelé Air Force One !- , bref il est devenu président et il a préféré se servir lui-même plutôt que d´aider le peuple qui l´a porté au pouvoir, je l´accorde il a fait quelques améliorations, mais tout de même...». La parenthèse politique close nous partons rejoindre la plage derrière la lagune et passons l´après-midi à barboter.
Le lendemain nous sommes de nouveau devant chez Dorothé avec nos sacs, mais pas de piroguiers. Elysé arrive avec trois quart d´heure de retard. Entre temps sa femme est revenue récupérer la voile et les paguais. Et il n´y a qu´une pirogue et deux autres malgaches veulent partir avec nous. Je fais comprendre à Elysé que 8 personnes plus les bagages dans une petite pirogue ça ne va pas être possible. Pas de problème il trouve une autre pirogue et vient nous chercher à la gargote ou nous prenons notre café pour embarquer. Je remarque qu´il saigne à la jambe et au bras. Pansements -après le fils, au tour du père- et au bout de quelques minutes je comprends que c´est sa femme qui lui a fait part de son mécontentement ! D´ailleurs il ne partira pas avec nous. La traversée prendra plus de 12 heures faute de vent, notre pirogue se fera dispenser de plus










d´une heure par celle des filles qui avait contrairement à nous un équipage de rameurs. Nous verrons sans doute l´un des plus beaux couchés de soleil de notre vie. Nous arrivons à la nuit, le vent se lève enfin, mais la houle l´accompagne et nous sommes bien secoués sur la fin. A notre arrivée les filles ne sont pas de la meilleure humeur, car la malgache qui voyageait avec elle a été malade tout le long et voyageait avec des paniers de crabes dont l´un devait posséder quelques spécimens entrain de pourrir...Direction chez Jean le Rasta pour oublier ces vilaines petites choses de la vie marine autour d´une bonne entrecôte de zébu, une thb, un pet de paille et un bon rhum-qat.