1 février 2008

J+102-107 / La conquête de l´ouest

Bien au chaud dans notre petite chambre le "pinpon pinpon pinpon" d´un gamin jouant aux petites voitures nous sort des brumes orphiques ; nous nous levons et découvrons le lieu à la lumière du jour, c´est charmant. Nous faisons connaissance avec le taulier : Billy, le gamin c´est Louva, son fils. En tournant la cuillère dans notre tasse de café nous discutons de ce que nous pouvons faire pour la nuit de la Saint Sylvestre : pourquoi pas dormir au très select « Hôtel des Thermes » et passer la soirée au casino de cette ville thermale puis partir pour l´île Sainte Marie. Mais c´est au moment où nous échafaudons ces plans qu´un blouson noir entre chez Billy.Il est guide et s´appelle Bee et nous propose une descente en pirogue du fleuve Tsiribihina sur 4 jours. Il a déjà deux clients et avec nous l´équipe serait au complet. Le programme donne envie mais nous prenons l´après-midi pour réfléchir. En fin de journée nous lui donnons notre accord, malgré le prix totalement hors budget -merci les tatas corses pour les étrennes de Noël - mais lui demandons de partir le 1er janvier puisque nous avions déjà prévu notre soirée du 31. Il nous dit qu´il va demander aux deux autres -des Suisses Allemands- pour voir si ils accepteraient de décaler le départ. Il revient avec une réponse négative. Nous décidons que ce n´est pas grave et acceptons de partir le lendemain matin en nous disant que nous fêterons la nouvelle année d´une manière un peu différente. Alors, marché conclut, contrat signé, nous versons les 30% d´acompte.
Le lendemain, sacs à dos bouclés, nous attendons dans la salle commune de chez Billy en discutant avec sa femme Caroline -une vazah originaire d´Alsace. A 10 heures notre guide se pointe et réclame le reste de l´argent ; je tique un peu mais le lui verse au vu du contrat que nous avons signé la veille. Nous chargeons les affaires et faisons connaissance avec Eulalie la femme de Bee qui s´occupera de la popote et avec l´équipe Suisse, Carmen et Roger, qui nous a pourri notre jour de l´an au casino d´Antsirabe -dans lequel nous allions certainement faire fortune... Le minibus part, l´arrivée est prévue à Miandrivazo vers 17 heures. Nous effectuons différents arrêts sur cette route vallonnée, illuminée par un soleil qui renforce les couleurs de ce paysage encore humide des pluies quotidiennes qui arrosent le pays en cette saison, ocre rouge contrastant avec le vert flamboyant des rizières. Le chauffeur du minibus nous donnera quelques explications sur la route notamment sur les mines d´or et la situation précaire des orpailleurs et des chercheurs d´or. Ils sont exploités par les propriétaires mais aussi par des commerçants qui leurs font crédit et se remboursent trés largement sur les salaires qu´ils touchent en proportion des pépites qu´ils ont pu trouver, souvent c´est bien maigre. Nous arrivons dans cette ville du farwest malgache, rues défoncées et boueuses, quelques maisons en dur mais la plupart sont de bois et délabrées, fils électriques qui courent de façon chaotique dans toute la ville. C´est ici que nous passerons le 31... Nous faisons connaissance avec les piroguiers, et un certain Norbert qui n´a sans doute pas cessé de boire du rhum depuis les fêtes de Noël. C´est avec eux que nous partons tous prendre notre dernier repas de l´année. Celui-ci achevé tout le monde nous abandonne pour aller se coucher...il est 21 heures. Les suisses sont fatigués et Bee ne semble pas si rock´n roll que son look veut le laisser croire. Seul Zafiri le chef piroguier reste avec nous. Nous trouvons quand même tous les ingrédients pour continuer la fête et nous voilà dans un guinguette malgache au bord du fleuve à danser sur les derniers tubes de Madagascar, fumer, boire, transpirer et nous embrasser pour fêter la nouvelle année. Ce soir nous n´irons pas jusqu´à l´aube car demain nous devons embarquer tôt mais la soirée ayant commencé à 21 heures nous sommes contents de notre soirée.
A 7 heures nous entendons toquer à la porte, Carmen nous signale qu´il est largement l´heure de nous réveiller. Nous n´avons pas entendu le réveil et nous sommes déjà bien en retard. Rapidement nous nous rendons compte que nous aurions pu dormir encore un peu car Zafiri tarde et nous savons pourquoi...nous ne partirons pas avant 10 heures, le temps de charger les 2 pirogues de tout ce qui nous sera nécessaire pour ces 4 jours.
Tranquilement nous suivons le courant de ce fleuve rouge pendant que Zafiri continu sa nuit sur la pirogue, d´ailleurs nous aussi sommes un peu comateux. L´autre pirogue a l´air en meilleur forme et nous nous faisons distancer. Heureusement après la pause midi nous remettons un coup de pagaie et nous arrivons à maintenir la distance. Petit à petit nous nous familiarisons avec l´équipe suisse et prenons un peu nos distances avec notre guide qui semble prendre son métier très au sérieux, comme un leçon apprise par coeur qu´il doit réciter devant un jury. Nous regardons ce paysage fluvial défiler doucement au ras de l´eau et voyons aussi des nuages noirs nous rattraper petit à petit. Heureusement nous arrivons au village étape avant la pluie qui s´abattra sur nous de façon foudroyante à peine trois minutes après que nous ayons mis pied à terre. Nous faisons connaissance avec le chef de ce village de pêcheurs qui nous invite à le suivre pour découvrir les alentours. Il nous décrit les plantes, nous montres des caméléons, nous explique les dégats causés par le dernier cyclone qui a ravagé la région il y a quelques années, cette petite ballade nous a ouvert l´appétit. Quand nous rentrons Eulalie nous a préparé un repas des plus fameux. A la nuit tombée nous partons avec Jean, qui tient la gargote du village, pour découvrir les lémuriens. C´est à ce moment que l´aventure commence : Jean est complètement cuit au rhum, il me confit une lance au cas où nous rencontrerions des sangliers, Laetitia et Roger sont munis des lampes de poches ; heureusement il y a Bobby le chien qui doit débusquer les lémuriens. Quelques minutes plus tard Bobby aboit, Jean va vite voir et nous demande de venir, à notre grande surprise il nous indique le sol, nous montre une petite boule piquante d´à peine 4 cm de diamètre : un hérisson. Pas si mal comme mise en bouche. Nous continuons à grimper, cela devient de plus en plus glissant. Bobby n´aboit toujours pas. Et les phrases de Jean nous donnent de plus en plus envie de rire « doucement, doucement » « Allez, on y va » « doucement, doucement » « Attention, attention » « Bobby, Bobby »... Enfin l´apothéose de cette promenade est quand nous retrouvons Jean à quatre pattes pour nous montrer une luciole. Nous rentrons de cette promenade sans avoir vu un seul lémurien, mais quelle rigolade cette expédition complètement foireuse. Notre guide consciencieux nous attends pour être sûr que nous nous couchions en sécurité, sourire, et nous allons nous coucher. Réveil à l´aube, le village est dans une brume qui se lève rapidement sous l'action du soleil. Nous embarquons, découvrons la nature, les berges de ce magnifique fleuve, nous voyons nos premiers lémuriens passant d´arbres en arbres, des niches de chauve-souris géantes dans les falaises. Nous faisons une pause prés d´une magnifique cascade où nous pouvons nous laver à l´eau clair, pas du luxe ; le seul qui ne se lavera pas c'est notre guide car il a peur des crocodiles. Nous reprenons notre course, vers 14 heures nous accostons dans un village où la pluie et les villageois nous accueillent. Une nouvelle fois le chef est là pour nous recevoir et nous faire visiter le village. Il roule des mécaniques, ne parle pas un mot de français et la seule chose qu´il nous montre de son village c´est l´école, 6 mètres carré qui ressemble plus à une étable qu´à une salle de classe. De retour Eulalie nous a préparé un bon repas avec l´aide d´un des piroguiers. En discutant avec les suisses nous apprenons que Bee, notre guide nous a menti et qu´il n´était pas été les voir pour savoir si ils souhaitaient décaler le départ au premier janvier... Le soir repas à la bougie accompagné d´un bon rhum arrangé et d´un pet de paille que Zafiri fait tourner . Nous allons nous coucher et trouvons le sommeil sans difficulté dans nos petites tentes igloos. Au programme de la journée du lendemain, nous devons voir des crocodiles d´après notre guide, mais j´en avais déjà discuté avec le chef du premier village et nous savons que nous n´en verrons pas, car en cette saison pluvieuse ils remontent vers les lacs où les eaux sont plus calmes. Le crédit de notre guide s´amenuise de plus en plus ; par contre au niveau organisation, un vrai scout. Le vent commence à se lever, le fleuve se met à frissonner, les nuages commencent à recouvrir notre ligne d´horizon qui se réduit au fur et à mesure que le mur de pluie se rapproche de nous...le compte à rebours est lancé. A midi nous arrivons à l´étape, les petits vazahas on du mal à débarquer tant les berges sont boueuses, nous nous enfonçons jusqu´aux genoux, petit moment d´angoisse, mais les piroguiers viennent à notre secours et nous sortent rapidement de notre plan vaseux pour nous mettre sur la terre ferme. Le vent devient de plus en plus fort, la pluie se met de la partie, et en moins de dix minutes c´est le déluge. Zafiri part prévenir les gars du village voisin qu´ils peuvent venir nous chercher avec leurs chars à zébus. On ne voit plus à trente mètres. Notre guide nous apprend que nous sommes en périphérie d´une tornade. Nous engloutissons notre repas à une vitesse cyclonique. Le pluie cesse. Les chars à zébus arrivent. Avant de charger nos affaires nous disons au revoir aux trois piroguiers, il va leur falloir dix jours pour remonter à Miandrivazo à contre courant. Nous montons à bord des chars et c´est parti pour un rodéo de deux heures. Dès les premiers mètres nous comprenons la situation : le chemin est boueux au possible et nous devrons passer une rivière à guet et trois marigots. Le passage de la rivière se passe sans problème. Cela se complique quand nous abordons le deuxième marigot où l´eau a envahie le chemin sur plus de 30 mètres, les zébus peinent à tracter la charrette, ils sont dans la boue jusqu´au bas-ventre et nous voyons l´eau boueuse s´infiltrer dans le fond de la carriole qui penche de plus en plus, en sortant du marigot nous approchons le seuil critique du retournement. C´est ce moment que choisit un des zébus pour se détacher. Notre charretier -par là nous voulons parler du conducteur du char, nous ne savons pas si c´est le bon terme mais comme il jurait beaucoup, on va dire que c´est le bon mot- maîtrise la situation et nous sortons sans une tâche de boue de cette situation inconfortable. Par contre les zébus ont bien morflés et nous le font savoir en relâchant leurs sphincters pour le reste du trajet. Arrivés au village, le charretier nous dépose à l´auberge où se dresse un magnifique baobab plusieurs fois centenaires. La nuit tombe, la pluie tombe et nous tombons à notre tour. La journée du lendemain, nous rejoignons la technologie. Un 4x4, nous embarque, heureusement car la pluie est dilluvienne. Aujourd´hui nous rejoignons Morondava dernière ville à l´ouest de Madagascar, plus de trois heures de piste pour l´atteindre, et sur la piste nous devons nous arrêter pour voir la fameuse allée des baobabs et deux autres baobabs notoires. Le premier est le baobab sacré du peuple Sakalava, les seconds sont les baobabs amoureux nous les verrons sous la pluie et sous nos parapluies eux-aussi amoureux. Nous abordons l´allée des baobabs en parapluie et nous la finissons en lunettes de soleil, tout simplement magnifique. En plus nous avons de la chance, nous sommes les seuls sur le site.
Nous arriverons à Morondava avec quelques heures de retard, normal par les temps qui courent et avec l´état des pistes et des routes. Nous posons nos guêtres chez Jean le Rasta. Cinq jours sont passés, nous sommes vidés et heureux.