26 janvier 2008

J+95-97 / Le Noël malgache (en tongs)

Pendant que nous prenons notre petit déjeuner devant le chalet, le Général et Mariette arrivent précédés de Jean-Baptiste. Ils ont eu notre message et viennent à notre rencontre. Ils doivent se rendre à 45 km de piste pour une visite et nous proposent de revenir nous chercher en fin de journée et de nous emmener à Ambohimisaf, le village où ils ont une petite maison. Ils nous demandent ce que nous avons prévu pour Noël, la réponse étant « absolument rien », ils nous invitent à passer les deux jours chez eux. Nous sommes ravis de passer Noël dans une famille et dans un village, loin des Noëls que nous connaissons. Nous profitons de cette journée pour essayer de rencontrer l'oncle de Dinh – M. Armand - qui possède une plantation de café pas très loin. Encore une fois, c'est Jean-Baptiste qui va nous servir de guide. Il est accompagné du petit-fils de M. Armand et ils vont tous deux nous conduire à la plantation. M. Armand est absent pour quelques jours mais sa fille nous accueillera. Nous empruntons un chemin aux milieu de rizières, magnifique. Jean-Baptiste qui connaît bien la faune et la flore locale nous donne les noms des plantes et des arbres et nous montre nos premiers caméléons. La famille de M. Armand ne parle pas français et c´est Jean-Baptiste qui fera la traduction pour lui expliquer qui nous sommes et pourquoi nous sommes là. Nous voilà en route pour la plantation. Pour l´atteindre il nous faudrait presque une machette ! Les caféiers, que nous avons du mal à repérer au milieu de toute cette végétation sont plantés à flanc de montagne sous des bananiers, jacquier et autres arbres tropicaux. La période de la récolte est passée, le lieu n´est entretenu que deux fois par an et comme nous sommes en saison des pluies la végétation à très vite repris ses droits. Le propriétaire n´étant pas là nous n´aurons pas d´explications sur la façon dont on cultive le café dans cette région de Madagascar. Nous apprenons tout même que la culture du café sur l´île va mal pour plusieurs raisons. D´abord à cause de la chute des cours mondiaux du café dans les années 90 et de la concurrence de plus en plus rude de pays comme le Vietnam, le Brésil, l´Indonésie ou la Côte d´Ivoire. Un autre problème auquel est confrontée la production locale est que le Robusta qui représente la quasi totalité de la production n´intéresse pas les pays occidentaux qui sont parmi les plus gros consommateurs de café au monde. La chute du cours du café couplé à l´inflation sur l´île font que les plantations sont à peine entretenues, que les paysans ne se donnent plus beaucoup de peine pour les entretenir, qu´ils ne renouvellent pas les plants donc il y a moins de rendement et que parfois ils préfèrent ne pas se donner la peine de ramasser les baies... la production ne sert donc plus quasiment que pour la consommation locale et très peu à l´export où le café de cette qualité s´est vendu en 2007 pour environ un dollar le kilo alors que des Arabicas de très bonne qualité peuvent monter jusqu´à 150 dollars. Nous quittons cette famille de fermier avec le secret espoir que les cours du café vont remonter et leur permettre de pouvoir sortir de ce cercle vicieux.
Sur le chemin du retour, nous croisons d´autres fermiers et à la vue de leurs bicoques on se rend vite compte que la situation n´est pas beaucoup plus brillante. Pendant que nous discutons, un témoin de Jéhovah nous aborde pour nous compter la bonne parole de ce Dieu si généreux qui fait tant pour la misère du monde. Il n´y a qu´à voir la prolifération des sectes dans ce petit village d´à peine 5 000 habitants, où la plupart des gens se font exploiter par des commerçants peu scrupuleux et souffrent d´illettrisme et vous comprendrez qu´un des seuls espoirs est de pousser les portes de ces sectes qui vont sans aucun doute les aider à sortir de la misère... Au moins en priant on pense à autre chose et on peut espérer que la vie sera meilleure quand notre âme ira rejoindre le ciel, là-haut le soleil brille...Sur ce je renvois ce saint homme vers des âmes plus à même de comprendre la sainte parole du Fils de Dieu.
A la nuit tombée le Général et son épouse sont de retour et nous partons aussitôt pour le village d´Ambohimsafy. Le village est encore plus petit que le précédent, une cinquantaine de maisons au bord du fleuve, face à une majestueuse montagne qui prête à la méditation quand la nuit s´éclaire d´étoiles. La maison du général se situe en hauteur par rapport au village et donne une bonne vue d´ensemble sur celui-ci. Pas de confort superflu, une cahute avec un trou pour les toilettes, un seau et un pichet d´eau chaude pour la salle de bain, trois pièces plus une petite cuisine au charbon de bois et un groupe électrogène, le seul du village. Nous sommes huit à loger pour les fêtes chez le Général, la femme du Général, sa soeur et son bébé, deux neveux et nous-même. Le Général débouche une THB de bienvenue, le neveu fait une rapide prière et nous pouvons commencer le repas tout en discutant de la politique locale et nationale. Mariette a perdu aux dernières élections de députation il y a quelques semaines de cela.
Le lendemain veille de Noël, nous aidons Mariette à finir de préparer des petites pochettes remplies de sucreries qu´elle distribuera à la sortie de la messe de Noël. Tous les ans elle en confectionne plus de mille ! Mariette et le Général ont beaucoup d´idées pour aider les habitants du village et surtout ils les mettent en place. Je part ensuite avec Roseline, une amie de la famille qui rigole tout le temps, pour décorer le sapin de Noël au temple lutherien du village. Elle ne parle pas français et moi le malgache mais pas besoin de parler pour accrocher des boules et des guirlandes. Des enfants amusés de ma présence sont là et jouent en attendant que le sapin soit prêt. Dans l´après-midi tout le monde se prépare pour la veillée, notamment les fillettes et les femmes qui se font de jolies coiffures nattées. La veillée commencera vers 20h au temple et se terminera vers 1h du matin ! Ce soir tous les enfants du village et de ceux des environs vont présenter les chants et les poèmes qu´ils ont appris ces dernières semaines. Lorsque nous entrons dans le temple, il est plein à craquer, les adultes occupent les bancs et tous les enfants sont assis par terre. Trois chaises nous ont été réservées. Les groupes d´enfants défilent les uns après les autres et tous semblent très fiers de chanter devant leur famille. C´est un peu long mais très agréable de voir toute cette communauté heureuse de partager ce moment.

Le lendemain, ça y est, c´est Noël. Les gens se font tout beaux pour se rendre au temple pour la messe. Encore une fois les chants emplissent le lieu et la joie semble au rendez-vous. A la sortie de l´office, Mariette distribue ses friandises aux enfants qui l´attendent. Tous repartiront avec leur petit sachet, pour certains c´est peut-être le seul cadeau qu´ils recevront. Après un très bon déjeuner et une petite sieste, le Général et Mariette nous ramènent à Tolongoina. Le lendemain nous avons rendez-vous avec Jean-Baptiste pour deux jours d´excursion dans la région. Malheureusement dés notre arrivée au village, il nous apprend qu´il y a eu un décès dans sa famille et qu´il ne pourra pas honorer sa promesse. Bien-sûr nous comprenons et décidons donc de quitter le village le lendemain.